Série en 6 épisodes d’une heure environ, production NETFLIX, mise en ligne en décembre 2018 au Canada.
Réalisateur : Philipp Kadelbach
Casting :
Friederike Bechte – Nadja Simon (l’enquêtrice)
August Diehl – Moritz de Vries (le parfumeur)
Ken Duken – Roman Seliger
Natalia Belitski – Elena Seliger
Trystan Pütter – Thomas Butsche (le gérant de maison close)
Christian Friedel – Daniel Sluiter (L’édenté)
Wotan Wilke Möhring – Grünberg (Le procureur)
La série est une version modernisée et librement adaptée du célèbre roman Le Parfum, histoire d’un meurtrier de l’écrivain allemand Patrick Süskind paru en 1985.

(attention spoilers)
J’ai regardé cette série avec curiosité, en grande amatrice de parfums et flacons que je suis. Je vais donc essentiellement parler ici de mon expérience lors du visionnement et me concentrer sur les références au parfum, cet art olfactif si subtil. On retrouve tout au long de l’intrigue des références directes ou indirectes au livre. Les épisodes sont ponctués de références au parfum ou à l’odorat en général, comme le jeu qui consiste à renifler des soutiens-gorges, la présence de chiens policiers renifleurs, le humage de vêtements et d’étoffes, la finesse extraordinaire de l’odorat de l’un des personnages qui détecte les humeurs ou la grossesse d’une femme simplement en sentant son odeur corporelle. Le nez et les odeurs sont partout, comme on pouvait légitimement s’y attendre. Et la référence au roman de Süskind est directe, l’un des personnages adolescent le lit.
L’intrigue : Une chanteuse rousse qui multipliait les amants est retrouvée morte dans sa piscine. Cheveux rasés, aisselles et pubis découpés. Le tueur est-il l’un de ses 5 amis d’enfance du pensionnat? L’enquêtrice Nadja devra confronter ses propres démons pour résoudre cette enquête inhabituelle.
L’ambiance : la photographie et les scènes de violence omniprésentes donnent à cette série une ambiance lourde, pesante et sombre. Chaque épisode est grevé de rixes, de violence conjugale, de viol, de prostitution, de trahison, d’infidélité, de maltraitance, de désespoir humain, de souffrances morales et physiques. Une atmosphère étouffante étreint le spectateur du début à la fin. C’est une série qui met mal à l’aise face à tant de noirceur humaine. Cette série est non seulement une mise en valeur de l’odorat, mais aussi et surtout une vision violente et destructrice de l’Homme. C’est une série policière qui touche à la psychologie et aux instincts primitifs. C’est une vision de la nature humaine dans ce qu’elle a de plus vil et immoral. À voir absolument, que ce soit pour le parfum ou l’intrigue!
L’une des particularités de cette série est l’abondance de flashbacks qui expliquent le présent et jettent le projecteur sur la psychologie des différents personnages. Le passé est aussi sombre que le présent (et que l’avenir?). D’ailleurs, en parlant de sombre, l’ambiance me rappelle parfois celle de DARK, autre série allemande intéressante et brillante à découvrir sur Netflix.

Le narrateur ouvre chaque épisode avec des références au parfum. Les voici ci-dessous retranscrites par mes soins :
Épisode 1 – Ambre Gris
« L’ambre gris, c’est le désir. Un désir douloureux, meurtrier. Des siècles durant l’Homme a cherché à savoir d’où provenait cette mystérieuse pierre qu’il découvrait parfois sur les plages, rejetée par les flots. Pour les Chinois, c’étaient des concrétions de bave de dragon. Les Arabes voyaient son origine dans des sources du bout du monde. En réalité, l’ambre gris se forme dans l’intestin des cachalots malades. Valeur : 50 000 euros le kilo. La merde la plus chère du monde… ».
Épisode 2 – Scatol
« L’attraction ne vient pas de ce qui nous est étranger. On est toujours portés vers le familier. Incorporé à faible dose dans un parfum, le scatol produit en nous la sensation d’aller vers une personne de confiance, le sentiment de retrouver un lieu qui nous est cher. Ce n’est que lorsque le scatol est présent en fortes concentrations qu’on comprend à quel point l’odorat nous lie à ce que nous avons de plus intime depuis la naissance car c’est le scatol qui donne leur odeur aux excréments humains. Nous aimons ce qui nous est familier, que ce soit bon ou mauvais. Du moins, jusqu’au moment où nous apparaît sa vraie nature… ».
On découvre dans cet épisode le laboratoire de parfumerie de Moritz de Vries à Paris. Un grand espace qui semble délabré avec une zone délimitée par de grands plastiques à la Dexter et un orgue à parfum. On y découvre qu’il est un maître parfumeur très réputé pour élaborer exactement le parfum unique à chacune de ses clientes, celui qui lui va comme une seconde peau : « Sans l’odeur de votre peau, le parfum n’est rien, comme vous n’êtes rien sans le bon parfum ».
Épisode 3 : Synthèse
« On peut mélanger certaines substances sans que rien ne se produise. Et puis, il y a des substances qui interagissent activement dès lors qu’elles entrent en contact. Après la phase de synthèse chimique, il est impossible de récupérer ces composants sous leur forme d’origine à l’aide de procédés physiques. La synthèse, c’est l’assemblage d’éléments totalement dissociés par nature dans le but d’élaborer quelque chose d’inédit. C’est de la création. La synthèse, c’est l’essence de l’amour. Que serait un parfum sans la synthèse… ».
Épisode 4 : La troisième substance
« Il n’y a rien de plus simple que de trouver un parfum qu’on aime : un pétale de rose, les cheveux d’un enfant, la terre d’un sous-bois en été… Toute la difficulté consiste à détacher la senteur de son objet. Elle ne se laisse pas facilement capturer. Toute violence serait inutile. Le parfumeur utilise de l’alcool afin d’extraire du corps l’émission odorifère. La senteur est ensuite séparée de la cire grâce à du benzène. Mais cette séparation implique plus que deux éléments : il faut faire intervenir une troisième substance… ».
Épisode 5 : Les notes de cœur
« On dit généralement qu’un parfum s’évanouit linéairement dans le temps, en dévoilant successivement l’accord de tête, l’accord de cœur puis l’accord de fond. Quelle hérésie! Un bon parfum est bien plus complexe que ça. Le processus repose sur une fascinante interaction entre toutes les substances, de l’extrême subtilité à l’exacerbation, il déploie tout un jeu d’intensité. Et lorsque de l’harmonie des différentes substances naît un son bien particulier, alors on tient le véritable accord de cœur d’un parfum… ».
Cet épisode contient une scène clef de l’intrigue au cours de laquelle un spécialiste de l’odorat lui explique la magie des senteurs et découvre qu’elle souffre d’anosmie. Elle ne perçoit pas les odeurs.
Épisode 6 – L’envoûtement
« Les parfums sont fugaces. À peine entrés en contact avec notre peau, ils débutent déjà leur voyage loin de nous. L’art du parfumeur consiste à tenter de capturer ce qui n’aspire qu’à être libre, sans jamais détruire son âme… ».

La comparaison avec le roman de Süskind est facile. Dans les deux histoires, il s’agit du meurtre d’une jeune femme rousse afin de capturer son odeur corporelle. Mais la comparaison s’arrête là. Les deux intrigues sont très différentes. Le pendant de Grenouille est ici multiple, le lieu et l’époque sont différents et, plus généralement, tout est différent! Donc il n’est pas nécessaire d’avoir lu ou d’aimer le livre pour voir la série, et vice versa.
À vos écrans!
Laisser un commentaire